Parmi les concerts proposés par les 25èmes Choralies du mouvement A Cœur Joie cet été 2025, l’emblématique chœur Mikrokosmos, spécialiste des musiques contemporaines. Ce 4 août au soir, il chantait, dans une création scénique originale, une œuvre inclassable et forte : “Saga des peuples sans armure”.
Cet ensemble d’une quarantaine de choristes chevronnés, dirigé par son fondateur Loïc Pierre, ici également metteur en scène et scénographe, a fait entrer les spectateurs dans un monde étonnant. Mélangeant les écritures musicales des compositeurs estoniens, Veljo Tormis et d’Arvo Pärt chantées par Mikrokosmos avec les percussions du Paris Taiko ensemble, de percussions dans une scénographie composés de costumes japonais, du théâtre kabuki “pour célébrer la mémoire des peuples baltes”.
L'œuvre s’étire en plusieurs tableaux séparés par une sorte de cérémonie. Une toile colorée, à chaque fois différente, est d’abord dépliée soigneusement, puis posée au sol ou encore suspendue aux cintres de la scène, selon un rituel précis, à la seule lumière d’une lanterne de papier. Leurs couleurs, souvent imbriquées dans un tableau abstrait, conditionnent l'auditeur pour entrer dans l’épisode suivant.
Tout débute par une séquence scandée, impressionnante, des tambours traditionnels japonais duParis Taiko ensemble, aussitôt suivie par le chœur aux accents gutturaux duquel s'extirpe une mélopée au soprano. Effet saisissant. Silences, pénombre, gongs, tambours, chœur, règnent à intervalles réguliers. Seuls en lumière, les percussions : gongs, grosses caisses, cymbales, clochettes de Balthazar Serna, créent une atmosphère étrange tandis que le choeur, placé au fond dans le noir, chante dans des harmonies osées magnifiques. Les chants de travail, de moisson, de protection de Veljo Tormis et ceux d’invocations divine ou de glorification de la Sagesse d’Arvo Pärt. Silence impressionnant dans les gradins du théâtre antique où la fascination pour ce voyage dans un ailleurs improbable est palpable.
Soudain c’est l’explosion du chant de malédiction, Raua needmine : l’incantation du fer de Veljo Tormis. Incroyable page de musique, violente et prégnante où tous maudissent le fer, symbole des armes, de destruction. La tension implacable, le rythme obsédant des percussions, les cris, les hurlements, figent l’assistance. La tension retombe, tout se termine dans l’harmonie, les choristes s’étreignant en signe de paix.
Spectacle envoûtant, incroyable incursion dans le monde des percussions japonaises, des chants contemporains estoniens sublimant les traditions baltes, avec des instrumentistes sensibles, un chœur Mikrokosmos jonglant avec précision, justesse et chaleur dans les micro-intervalles d’une musique qui parle au cœur.
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