Première en France. Création de la version scénique de l'Opéra de David Alagna « Le dernier jour d'un condamné » en Avignon, avec Roberto Alagna et Adina Aaron.

Création de la version scénique de l'Opéra de David Alagna « Le dernier jour d'un condamné » en Avignon, avec Roberto Alagna.


Les deux frères, David et Roberto, affichent une complicité sans nuages. Et c'est avec passion qu'ils parlent de la genèse de l’œuvre « Le dernier jour d'un condamné », inspirée du roman homonyme de Victor Hugo, paru en 1829 : « L'idée est de Roberto » confesse David, lui laissant le soin de raconter : « J'étais à Chicago pour chanter Roméo et Juliette. J'étais loin de ma famille et je pensais à ma fille, emprunt à une certaine mélancolie. Alors que je m'en ouvrais au téléphone avec mon frère Frédérico, je lui confie tout à coup, : « je me sens comme un condamné à mort... ». C'est alors qu'il m'a envoyé le livre de Victor Hugo. La lecture de ce journal intime, m'a bouleversé et elle a aussi éveillé en moi des musiques. Et pourquoi pas un opéra ? J'en parle alors à David qui répond du tac au tac, : « tu n'as qu'à faire le livret, je ferai la musique ». Mon frère pensait peut-être que cela me refroidirait... mais en fait, j'ai écrit le livret en une nuit ! Je l'ai envoyé à Frédérico qui l'a étoffé, puis à David qui a eu l'idée de faire intervenir, en parallèle, une autre condamnée ».
Dans la prison, il y a donc deux cellules différentes. Dans la première, un homme condamné à mort qui vit ses dernières 24 heures, dans les années 1820. Dans la seconde, une femme qui attend de purger sa peine, aux XXIème siècle, dans un pays indéterminé : « j'ai trouvé cela génial » réplique Roberto, « Cela a universalisé le propos » ajoute David.

Mais le texte chanté par les deux condamnés est bien celui d'Hugo. Il a voulu mettre en scène des coupables ordinaires dont on ne sait rien, ni leur nom, ni leur histoire, ni l'objet exact de leur condamnation. La peine de mort révulse Hugo. La mort infligée à l'homme par l'homme lui fait horreur, quelle que soit l'identité du condamné et le crime qu'il a commis. La version Alagna ajoute : « quel que soit son sexe, quelle que soit sa race ». Seule piste sur son passé, écrite par Hugo, est la phrase prononcée par le condamné : « moi, misérable qui ai commis un véritable crime, qui ai versé du sang ! ».
Cette position contre la peine de mort, Victor Hugo l'a expliquée toute sa vie : « Se venger est de l'individu, punir est de Dieu. La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d'elle, la vengeance au dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied ». Alors, quand il traverse un jour la place de l'Hôtel de Ville et qu'il voit le bourreau graisser la guillotine en prévision de l’exécution prévue le soir même, Victor Hugo se lance à corps perdu dans l’écriture du Dernier Jour d’un condamné.
Hugo explique : « le livre est bien un plaidoyer contre la peine de mort. Pour que ce plaidoyer soit efficace, qu’il ait valeur de généralité, il fallait que le personnage principal soit le plus quelconque possible, exécuté un jour quelconque, pour un crime quelconque ».  Le récit, long monologue intérieur, est entrecoupé de réflexions angoissées et de souvenirs de son autre vie, la « vie d’avant ».

David Alagna, guitariste, arrangeur puis compositeur, a conçu son premier opéra avec des idées plein la tête : « Il s'agit d'un plaidoyer, je ne me suis donc pas imposé de limite artistique. En fonction des thèmes je me suis fixé une trajectoire. Puis, je me suis laissé porter par la prose Hugolienne. Son écriture est très musicale et, si on se laisse porter, c'est elle qui impose son style. Cela crée une couleur musicale libre. C'est à la fois romantique, avec aussi des chœurs russes « à la Moussorgski », et un orchestre libre, à la couleur qui n'appartient à aucune époque ».
Roberto Alagna détaille : « il y a des hésitations dans la prosodie, on sent le temps qui passe et on est attiré par le gouffre de la mort ».
David souligne : « la musique illustre le vide de la cellule, avec les jaillissements de la pensée ou le silence de la réflexion. Un mot résume tout : l'introspection. On est témoin et on vit avec lui, c'est ce qui rend l'ouvrage émouvant ».
Roberto reprend « c'est l’œuvre la plus difficile que j'aie dû apprendre. Le rythme est toujours dans la syncope, avec des thèmes qui reviennent, les harmonies sont compliquées, l'orchestration est très dense, il y a des frottements... Tout cela rend l’œuvre difficile à mettre en place. En outre, la tessiture est dramatique, la déclamation théâtrale. Il faut un medium très large qui sollicite beaucoup les notes de passage du ténor. C'est éprouvant ».
Ensemble, David et Roberto Alagna portent avec une passion formidable ce nouvel opéra. Roberto est admiratif : « on voit que David est un compositeur qui a une culture opératique. Je trouve que « Le dernier jour d'un condamné » est une œuvre forte et aboutie ».

« Le dernier jour d'un condamné », opéra en deux actes et un intermezzo de David Alagna, d'après Victor Hugo, a été créé en version de concert à Paris en 2007, puis repris en version scénique (mise en scène de Nadine Duffaut) en 2009 à Debrecen en Hongrie.

Les 9 et 12 mars 2014 à l'Opéra Grand Avignon, création en France de la version scénique (enregistré par France 3) de « Le dernier jour d'un condamné », mise en scène par Nadine Duffaut, dans les décors d'Emmanuelle Favre, les costumes de Katia Duflot et les lumières de Philippe Grosperrin. Le dessin de l'affiche du spectacle a été créé par Frédérico Alagna.

Dans le rôle du condamné, Roberto Alagna. Dans le rôle de la condamnée, Adina Aaron. Avec Luc Bertin-Hugault, le bourreau ; Jean-Marie Delpas, l'huissier de justice ; Philippe Ermelier, le geôlier ; Alain Gabriel, le procureur ; Carl Ghazarossian, le guichetier de garde ; Christian Helmer, le friauche ; Eric Martin-Bonnet, l'aumônier ; Yann Toussaint, le directeur ; Jean-Marie Frémeau, le prêtre ; Xavier Seince le 1er forçat et Patrice Laulan le 2ème forçat.

L'orchestre Régional Avignon-Provence, les Chœurs de l'Opéra Grand Avignon et de l'Opéra de Tours, sont placés sous la direction de Balàzs Kocsàr.

Réservations : 04 90 82 81 40





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