Musiques en fête, millésime 2016 : gouleyant et réjouissant


Un monde fou se pressait ce lundi 20 juin au Théâtre antique pour la 6ème édition de Musiques en fête. Du côté des gradins, bien sûr, mais aussi en coulisse où musiciens, chanteurs, choristes, danseurs, se préparaient dans leur loge, et la foultitude de techniciens mobilisés pour faire marcher l'immense machine à rêves. 

De quoi faire tourner la tête à Claire Chazal et Alain Duault, présentateurs de la soirée, retransmise en direct sur France 3. A tel point qu'ils ont dénombré 8000 spectateurs au début de la soirée, 9000 au milieu, et même 10000 à quelques encablures du bouquet final. Tout cela, portes fermées. Un exploit.


Il est vrai que ce millésime 2016 de Musiques en fête s'est montré gouleyant et réjouissant, et se hisse même au niveau de cru, avec la qualité somptueuse des voix, des chœurs, de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, jusqu'au choix du menu, avec des assemblages réussis entre lyrique et variété. Le tout mené tambour battant par les deux immuables et talentueux chefs, Didier Benetti et Luciano Acocella.



Ainsi donc, après un échauffement en règle, la salle est fin prête pour le direct. Chaque spectateur doit devenir acteur. Tous ont bien répété sagement, et conservé précieusement leurs chapeaux, leurs mouchoirs, leurs fleurs, leurs bâtonnets lumineux, et leurs portables pour intervenir « spontanément » au bon moment au cours de la soirée. 

Ah, c'est un métier, le direct TV ! Reste à bien caler son coussin pour trois bonnes heures de musique, autant que la Walkyrie... ce n'est pas peu dire : « c'est un spectacle offert par le service public qui maintient ce rendez-vous depuis six ans sur France 3 » rappelle haut et fort Alain Duault. Chacun, dans son cœur, dit merci.





Au signal, la traditionnelle ouverture de Carmen claque comme une cavalcade joyeuse, suivie de la chanson de Paul Misraki, « Qu'est ce qu'on attend pour être heureux » chantée par tous les solistes, reprise allégrement par le public, dansée par le Ballet de l'Opéra d'Avignon. 

Un bon départ, mais dès le troisième numéro, sur les 38 que comprend le programme, on s'aperçoit de l'absence du ténor Bryan Hymel (Pinkerton dans Madama Butterfly les 9 et 12 juillet aux Chorégies). Adieu la donna é mobile de Rigoletto. On passe directement à la séguedille de Carmen, chantée comme personne par Béatrice Uria-Monzon.




La séquence des trois ténors tient toutes ses promesses. Jean-Pierre Furlan, Florian Laconi et Philippe Talbot nous transportent successivement vers des rivages enchanteurs avec Torna a surriento, Caruso et O sole mio. 

Le premier continuant avec un Nessun dorma de belle facture, vibrant à souhait, puis, plus tard avec un Pagliaci émouvant, le second excellant dans les puissants airs de Turandot et Tosca, le troisième distillant « Ô nuit enchanteresse » de Bizet, d'une voix de tête maîtrisée, agrémentée d'une diction parfaite.



Rayonnante et vocalisant à l'envi, Julie Fuchs et les choeurs de l'Opéra Grand Avignon, Marseille et Toulon, adressent ensemble un martial Salut à la France, tiré de La fille du Régiment de Donizetti.






Vient ensuite Daniel Guichard, avec une seule chanson, amour pudique : « je t'aime tu vois, mais je ne te le dis pas » accompagné par la Maîtrise de l'Opéra Grand Avignon. Comme Michael Gregorio, ressuscitant Brel et son Port d'Amsterdam.





Puis apparaissent ceux qui foulent pour la première fois la scène d'Orange. La basse russe Vitalij Kowaljow dans Infelice, vaillant air tiré d'Ernani de Verdi et Seigneur, si j'ai péché , complainte déchirante extrait de Iolanta de Tchaïkovski. La mezzo dramatique Alisa Kolosova, superbe dans Samson et Dalila de Saint Saëns, et Lambert Wilson qui envoûte de son charme le Syracuse de Montand, puis la Chanson de Lara avec Florian Laconi.









La nuit tombe, le mur commence à s'illuminer. Les fresques colorées ajoutent le fantastique. Le port impérial d'Armonela Jaho (bientôt Madama Butterfly) projette sa voix majestueuse dans La Bohème, comme dans le priant Maria Stuarda et l'émouvant Madama Butterfly. Florian Sempey célèbre à sa manière avec Hamlet, le 400ème anniversaire de la naissance de Shakespeare.



Séquences détente avec le Cancan d'Offenbach, suivi de l'exquis Tea for two, puis le mémorable Memory de Cats par Ludivine Gombert, la belle Zarzuela de Chapi par la nîmoise Valentine Lemercier, l'irrésitible duo des chats par Vannina Santoni et Gabrielle Philiponet, un extrait de Hair avec Jacques Daoud, et le duo des tangueros argentins : Armando Noguera et José Luis Barreto.












Enfin, avant de terminer avec le traditionnel Libiamo, un dernier Verdi avec Il Trovatore et la voix ardente de Marie Karall, et un rare Mefistofele de Boïto (programmé pour les Chorégies 2018) embrasent le Théâtre Antique. 

Le directeur des Chorégies, Jean-Louis Grinda rend alors un vibrant hommage à son prédecesseur, Raymond Duffaut, salué par les salves d'applaudissements d'un Théâtre Antique comble, ému et reconnaissant.












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