Chorégies d'Orange : Un Rigoletto équilibré qui sait captiver.


Merveille de raffinement et d’équilibre, la version 2017 du Rigoletto orangeois, sous la direction visionnaire de Mikko Franck, à la tête de son Philharmonique de Radio France, a favorisé l’engagement d’un dialogue subtil avec les chanteurs et les choeurs. Ainsi, solos, duos, trios ou quatuor ont-ils pu s’épanouir avec une rare élégance. Régal pour les oreilles que cette fluidité de l’orchestre, prompt à rugir à la moindre sollicitation, prêt à se tapir pour laisser le soliste en majesté, dans la clarté. Du grand art !

Délice aussi pour les yeux. Pas moins de 12000 pupilles curieuses, étagées dans l’amphithéâtre sont rivées sur l’étonnante marotte de bouffon géante, posée le long du grand mur, dont la bouche laisse pendre une langue bien longue. Idée du metteur en scène Charles Roubaud, concrétisée la scénographe Emmanuelle Favre, peinte par la magie des lumières de Jacques Rouveyrollis qui s’est arraché les cheveux pour mettre au point les réglages avec Virgile Koering, chargé des vidéos. Sa tête se prolonge par le manche qui sert de praticable pour rejoindre la scène, bientôt envahi par les danseurs, chorégraphiés par J.C Gil, et les chanteurs, costumés années 30 par Katia Duflot, qui déboulent même sur scène par la langue qui sert de toboggan. Amusant et efficace, en deux temps, trois mouvements, tout le monde est sur scène !

Si, dès son entrée, le Duc de Mantoue, alias Celso Albelo est dans le registre de la confidence, le ténor canarien illumine vite de sa voix brillante son duo avec Gilda, puis son solo passionné du second acte et surtout, son très beau et vaillant “La donna è mobile”. Nadine Sierra, remarquable d’agilité vocale, sait traduire les inflexions amoureuses lors de son duo avec le duc, puis déployer avec passion son amour dans l’aria à Gualtier Maldè, où même allongée, elle déroule ses vocalises d’une grande pureté avec une expression d’une intimité touchante. Bravos, Bravi, et tutti quanti ponctuent cet exploit.

Bien évidemment très attendu pour son 527ème Rigoletto et ses 50 ans de scène, Leo Nucci, un festival de théâtre à lui tout seul, a largement dominé de son aura et de sa voix maintenant familière, les scènes amusantes ou dramatiques avec un égal bonheur. On retiendra le duo dans lequel il chante avec ferveur son amour pour sa fille Gilda : “ma religion, ma famille, mon univers, c’est toi”, au second acte où il implore pitié “Pieta” à cette “race maudite” où son mordant impressionne. Après un duo émouvant et magnifique, c’est le débouché sur le célébrissime “si vendetta”, auréolé de l’aigu impérial de Nadine Sierra, bissé comme à la Scala. Triomphe.

Il faut saluer les performances des protagonistes, Marie-Ange Todorovitch en Maddalena, Cornelia Oncioiu en Giovanna, Amélie Robins la Comtesse Ceprano, Wojtek Smilek en Monterone, Christophe Berry en Borsa, J.M Delpas en Ceprano, Pierre Doyen en Marullo et Violette Polchi en Page.

Le dernier acte, fort d’une atmosphère pesante et lourde, orageuse dans l’air et dans les coeurs, est un sommet de tension. La marotte se cache derrière des gris zébrés, les éclairs donnent de la voix grâce aux percussions de l’orchestre, les cordes frémissent de chromatismes exacerbés auxquels répond un choeur gémissant en coulisse. Le drame se noue quand Rigoletto entend la voix du duc et comprend l’horreur. Le dernier dialogue avec sa fille mourante, victime de son amour passion candide pour le duc, embue les yeux. Hugo, Verdi, Nucci, Sierra ont réussi, la malédiction est tombée, comme un couperet.   


Représentation télévisée du 11 juillet 2017

Le chef Mikko Franck a été victime d'un problème à l'oeil dans l'après-midi du 11 juillet et a dû renoncer à diriger la seconde représentation de Rigoletto. Le directeur des Chorégies s'est donc mis à chercher un autre chef, vers 20 h ! pour diriger la représentation qui avait lieu à 21h45 et qui était retransmise en direct sur France 3...
Coup de chance, le chef international Alain Guingal était justement à Avignon, et il est accouru aussitôt. Heureusement aguerri au répertoire des grands opéras, il a remplacé au pied levé Mikko Franck avec une maîtrise admirable.
Tout s'est passé à merveille ! Bravo Alain Guingal !










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