Chorégies d'Orange : Aïda, entre l'égypte antique et notre histoire...


Dernières mesures émouvantes, dans un rai de lumière, Aïda et Radamès, prisonniers de leur tombeau, résignés mais unis dans le même amour, attendent la mort. Dernières mesures éthérées de Verdi. Noir final. Applaudissements.
Dès qu’Anita Rachvelishvili, alias Amneris vient saluer sous la lumière les Chorégiens massés par milliers sur les gradins, un tonnerre d'applaudissements retentit, accompagné d'une immense clameur. Rien de semblable pour les autres chanteurs, la messe est dite. Son gosier d’airain, qui sait être à la fois souple et tendu, parfaitement projeté, doublé de son jeu scénique réaliste, fait l’admiration de l’auditoire. Comment résister au premier tableau du quatrième acte où Amnéris, révoltée contre la sentence des prêtres, lance ses fulgurants cris de douleur, noirs et glaçants, avec une aisance vocale confondante ?
De cette distribution contrastée, Elena O’Connor, voix au timbre argenté, au vibrato changeant, campe une Aida attachante, fragile et émouvante. Pour sa première audition en France et aux Chorégies, elle sait oser dans sa prise de rôle risquée, soulever l’émotion, lancer des aigus puissants ou des chants d’amour passionnés.
Marcelo Alvarez, Radamès à la claire voix d’or, obtient de beaux équilibres dans les duos, semble parfois en deçà, mais sa présence vocale incroyable séduit.
Nicolas Courjal chante un Ramfis impérial, sa voix parfaitement posée, porte loin et sied à la majesté du grand prêtre.
Des deux rois, l’Éthiopien Amonasro, campé par Quinn Kesley, assure une présence vocale et scénique convaincante, ce qui est moins le cas de celui d’Egypte, José Antonio Garcia.
Mention spéciale aux choeurs masculins, féminins et mixtes qui ont été formidables, à Rémy Mathieu, messager vif et clair, et Ludivine Gombert, voix de la Grande Prêtresse, comme aux ballets fluides et simples.

L'Orchestre National de France assure un climat verdien en technicolor, sous la direction de Paolo Arrivabeni, amoureux de Verdi et des voix, mais qui les submerge parfois. Sa direction sobre, précise et preste, est efficace. Le metteur en scène Paul-Emile Fourny et le scénographe Benoît Dugardyn, ont fait le choix de l’originalité. Les symboles de l’Egypte antique, que les troupes de Napoléon ont découverts lors de la campagne d’Egypte, sont exposés sur scène. Habile et ingénieux. C’est ainsi que le parallèle historique surgit, et l’histoire d’Aïda vient s’y incruster comme les réminiscences du passé. Sacrilège pour certains, le défilé militaire du Triomphe de Radamès sur les Ethiopiens est remplacé par l’arrivée de l’obélisque de Louqsor à Paris en 1830, place de la Concorde, après un périple émaillé de prouesses techniques. Ainsi, costumes égyptiens et napoléoniens se côtoient, prétexte à une vision globale de l’histoire égyptienne très réussie. Forte de tableaux d’une grande originalité esthétique.

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