Chorégies d'Orange : Carmen - Merci Marie-Nicole Lemieux d'avoir osé !

 


C’est à guichets fermés que le retour de Carmen, unique opéra de la saison 23 des Chorégies, s’est joué dans un théâtre antique plein du haut en bas. Malgré la température caniculaire, la fièvre de ce samedi soir n'est pas montée sur la scène, ni dans les gradins. Pour une part, le public a réservé un accueil contrasté à cette production mise en scène par Jean-Louis Grinda. Les quelques huées avaient-elles pour adresse la scénographie, déjà utilisée avec succès dans d’autres théâtres comme Marseille ? Mais était-ce transposable au théâtre antique ? Ces deux hauts murs mobiles, en arc de cercle, placés devant le grand mur éteint et confiné dans l’oubli, coupent la scène et réduisent l’espace à celui d’un théâtre de province. Gênant, même si la symbolique de l'enfermement et de l'incommunicabilité que représentent ces murs, ceux des arènes comme ceux de la prison dans laquelle chacun est enfermé, est séduisante. De même, la scène finale voulue et assumée, Carmen se jetant sur le couteau dressé par Don José, est inédite. Marque de la farouche volonté de la bohémienne rebelle de mener son destin librement, jusqu’au bout ? Sans doute, mais signe aussi son échec. Sacrilège ? Enfin, les costumes intemporels, peu colorés et sombres, sombrent souvent dans de timides lumières.

 

Reste que l'applaudimètre désigne sans conteste la faveur du public pour l’excellent orchestre national de Lyon, un symphonique au son plein, aux fulgurances remarquables, tout comme pour les chœurs puissants de l’opéra de Monte Carlo, la maîtrise et les chœurs de l’opéra d’Avignon, sous la direction enthousiasmante, fluide et précise, de Clelia Cafiero. Remarqués également, Alexandra Marcellier, Micaela émouvante, Pierre Doyen, Moralès au ton clair, Charlotte Despaux et Eléonore Pancrazi, des Frasquita et Mercédès enjouées,  Luc Bertin Hugault, un Zuniga ferme et amoureux, comme Ildebrando d’Arcangelo Escamillo et la jeune andalouse Irene Olvera, chorégraphiée par Eugénie Andrin, en flamenca débordante de vitalité, sans oublier les interventions de caractère de Lionel Lhote, Jean Miannay et Frank T’Hézan, respectivement Le Dancaïre, Le Remendado et Lilas Pastia.

 

Enfin dans le duo de la série, “Je t’aime, moi non plus “, la voix intense de Jean-François Borras (Don José) séduit, applaudie dans “La fleur que tu m’avais jetée “ se marie parfaitement avec celle de Marie-Nicole Lemieux (Carmen) dont la diction admirable, les intonations confondantes de vérité, la gestuelle vraie, montrent sa conception toute personnelle de son personnage : “ ce qui est important, c’est le texte “ confiait-elle avant la représentation : “ c’est un chef d’oeuvre et ça me fait mal quand on ne comprend rien “. La contralto canadienne s’est donnée tout entière à son rôle fétiche : “ Carmen, c’est pour moi, mais j’ai attendu quarante ans pour la faire, pour oser Carmen en femme pulpeuse. Maintenant, c’est le moment ! “. Et, avec elle, Carmen danse, rit, sourit, jouit, vit comme jamais ! Merci Marie-Nicole Lemieux d’avoir osé !

 

 

 

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