Causeries de Châteauneuf du Pape : Sylvain Tesson et les Piliers de la mer au Château La Nerthe


Dans le cadre idyllique du Château La Nerthe, les causeries de Châteauneuf du Pape animées par Franck Ferrand ont fait le plein. Il faut dire que l’affiche était attirante avec Sylvain Tesson, écrivain et voyageur, invité d’honneur de cette édition, aux côtés de Vivianne Perret, historienne et autrice.


Chacun a alimenté le thème de la rencontre parlant de “la beauté du monde” avec ses expériences et sa vision personnelle de notre environnement. L’invité d’honneur Sylvain Tesson s’est notamment confié sur son livre “les piliers de la mer”. 


Morceaux choisis de son intervention, captivante, profonde, quelquefois ponctuée de traits d’humour : “ Le stack désigne en anglais les piliers de la mer, détachés de la côte. Autour du monde, ces sentinelles de roche se dressent par milliers devant les falaises côtières. Les anglais appellent le stack et les français, qui ont une langue beaucoup plus précise, disent : un pilier d'érosion du recul de trait de côte.(rires) Alors évidemment, l'expression contient sa définition, mais enfin c'est moins rapide. On perd du temps, le stack c'est plus sexy, ça ressemble davantage à l'électrification de la houle sur la roche “


S’adressant à Franck Ferrand ; “ vous allez très bien décrit le phénomène. Il y a l'arche, avec l’érosion, le tablier s'écroule, il reste le pilier ce qui ce qui fait que le phénomène est universel.  Partout où il y a une côte rocheuse, vous avez un pilier, de même que partout vous avez un dogme, vous avez sa contradiction. De même que partout vous avez une société, vous avez ce rebelle ou ce réfractaire, de même que partout vous avez une partition, vous avez sa fausse note qui parfois est d'ailleurs une dissonance osée et originale “ 


Puis enchaîne sur le biotope qui existe sur ces stacks : “ Il y a un biotope, un écosystème qui demeure, qui perdure, qui se maintient sur le stack. C'est à dire que parfois nous arrivions au terme d'une escalade difficile et nous arrivions sur un plateau d'herbe picté de fleurs et parfois même occupé par des insectes, à 100 ou 150 mètres de hauteur, et qui, visiblement s'étaient séparés de la terre il y a  quelques années et qui n'avait absolument pas à être dans les effectifs.  Ils n'avaient pas été alimentés par une circulation puisque un cloporte ne peut pas traverser un bras de mer de 250 mètres de large, il y a peu de chance, ni être convoyé sur l'aile des oiseaux. Enfin, je ne connais pas très bien les circulations clandestines, parfois aériennes des arthropodes, mais je crois que les cloportes qui étaient là sur ces piliers nous semblaient de très vieux habitants et que nous vénérions “. 


Enfin, Sylvain Tesson remonte le temps : “ Le principe de perduration, de conservation patrimoniale, muséale, quasiment allait plus loin puisque un jour sur la côte du Mayo, une province de l'Irlande, nous sommes arrivés sur un pilier de la mer qui était séparé de 100 mètres de l'île mère. Et sur le plateau à 55 m de haut, nous avons vu le soubassement en pierre d'un muret dont nous avons appris que c'était la ruine d'une ancienne chapelle qui avait été construite au 14e siècle par des marins. Une Stella Maris ou une Notre-Dame des naufrages qui avait été posée sur le pilier.  En vertu du principe que nous a décrit Franck, l'arche s'était écroulée et il est resté sur la mer le pilier couronné de sa chapelle. Le temps avait fait son œuvre, il ne restait plus de soubassement et nous avons dormi là au pied de la ruine, de la ruine des hommes, sur la ruine cosmique, sur la ruine de la terre séparés par un chenal. Il y avait donc une sorte d'emboîtement du principe de séparation, la chapelle sur le pilier. Nous étions là en présence des matriochkas des poupées russes, du principe d'isolement “


Francis Pabst





Commentaires