Les
Avignonnais ont de la chance ! C'est à l'Opéra Grand Avignon
que la création en France de l'opéra anglais Laïka The space
dog, a eu lieu hier soir, 4 décembre 2013. Et pas n'importe
quelle œuvre, puisque Laïka, le chien de l'espace, production
de l'English Touring Opera, a été lauréat du
concours d'opéras Hongrois « Armel opera competition and
festival » qui s'est déroulé à Szeged en octobre
dernier...
Et pour
cette création française, c'est le compositeur en personne, Russell
Hepplewhite, qui dirigeait l'ensemble, et le librettiste, Tim
Yealland, qui mettait en scène l'ouvrage... Après une cinquantaine
de représentations, essentiellement au Royaume Uni et à Szeged, ils
ont rencontré partout le même accueil enthousiaste. L'ouvrage
accroche, notamment chez les jeunes pour lesquels ils est plus
particulièrement destiné.
En
Avignon, le rideau s'ouvre. Côté jardin, les jeunes de la Maîtrise
de l'Opéra Grand Avignon sont assis. Côté cour, le Hungarian
Sinfonietta, composé de la violoncelliste Rebecca Hewes, de la
clarinettiste Paula Chelemen, du bassoniste Bàlint Böjtös, du
percussionniste Ferenc Kürtösi, et du chef Russell Hepplewhite, a
pris place sur scène aussi. Au centre, le dispositif scénique de
Jude Munden, simple et efficace, tantôt appartement, tantôt centre
spatial, concentre tous les regards.
On est
saisi, dès l'ouverture, par le langage musical du compositeur,
accessible, clair, original, pétri dans le ferment extraordinaire de
la musique anglaise, sans égale quand il s'agit d'écriture vocale.
Et aussi instrumentale, car avec cette petite formation, le
compositeur réussit à créer les ambiances joyeuses ou dramatiques
avec efficacité, malgré l'économie de moyens. Cela fonctionne à
merveille, et la Maîtrise de l'Opéra Grand Avignon, dirigée par
Florence Goyon-Pogemberg, qui a relevé le défi de chanter en
anglais, dans une production anglaise, et à monter l’œuvre en
quelques jours seulement, signe là une belle réussite.
Pour le
metteur en scène, Tim Yealland « le
public est avant tout, ici, les enfants. Pour charmer cette audience
exigeante, il sera fait usage de musique bien sûr, mais aussi de
jeux de marionnettes et de projections vidéo ». Venant
à point nommé, les vidéos des lancements des fusées Spoutnik,
datant de 1957, sont comme des rappels à la réalité. L'histoire de
la petite chienne Laïka, trouvée dans les rues de Moscou et devenu
cobaye lancé dans l'espace sans espoir de retour, est bien vraie.
Elle apparaît en filigrane sous les traits d'une marionnette, animée
avec un talent sensible par Maciek O'Shea. Ainsi elle en devient
attachante. On tremble pour elle. Les scientifiques, soumis aux
ordres de Krouchtchef, maître du Kremlin, vont-ils vraiment
l'envoyer dans l'espace ?
Tout
se prépare, et en chemin, la mise en scène devient interactive,
proche et décontractée. La science s'incruste dans l'opéra. Quelle
est la vitesse de la lumière ? Quelle est la distance de la
terre à l'espace ? La lumière de la salle s'allume. Une voix
s'élève « prenez
les signets que l'on vous a remis à l'entrée ».
Les signets ? Ah oui... En effet, les réponses y sont... alors
elles fusent...
Le
compte à rebours reprend. Depuis le début, le quatuor vocal tient
l'auditoire en haleine. Le jeu d'acteur et les voix font merveille,
Sarah Laulan et Abigail Kelly représentant selon le metteur en
scène : « les
mauvais et les bons cotés de la course à l'espace, et du traitement
humain des animaux »,
sont simplement magnifiques. Nicolas Rigas, incarne le scientifique
Korolev avec beaucoup de présence et Edward Lee, qui vit avec
passion le rôle de Mikhail, l'étudiant idéaliste « conscience
et cœur »
dans ce projet matérialiste, fait vibrer. Sa voix de ténor, limpide
entraîne les enfants, dans le chœur qui revient à deux reprises
« Baikonour !
Baïkonour ! ».
Le public est sous le charme.
La
fusée part, Laïka succombe. Mais un opéra destiné aux enfants ne
peut se terminer sur un encéphalogramme plat... Alors, un espace
poétique s'ouvre avec la vision de la petite chienne, héroïne de
la conquête spatiale, marchant sur la lune avec Neil Armstrong...
Une fiction qui rejoint la réalité. Laïka, grâce à cet opéra,
vit encore dans le cœur des enfants...
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