Le dernier jour d'un condamné à Avignon : Impressionnant plaidoyer contre la peine de mort



Très remarquée, la création française de la version scénique de l'opéra « Le dernier jour d'un condamné » d'après le roman homonyme de Victor Hugo, a impressionné le public de l'Opéra Grand Avignon. Un moment fort grâce à l'interprétation de Roberto Alagna et Adina Aaron, la musique de David Alagna, interprétée par l'Orchestre Régional Avignon Provence, et la mise en scène de Nadine Duffaut.

Victor Hugo a mis toute son énergie et sa force de conviction dans le texte de l'ouvrage qu'il a porté toute sa vie : « Le Dernier Jour d'un Condamné n'est autre chose qu'un plaidoyer, direct ou indirect, comme on voudra, pour l'abolition de la peine de mort » écrit-il dans sa préface de 1832. Dans sa conclusion, Victor Hugo explique : «  L'ordre ne disparaîtra pas avec le bourreau ; ne le croyez point. La voûte de la société future ne croulera pas pour n'avoir point cette clef hideuse. La civilisation n'est autre chose qu'une série de transformations successives. À quoi donc allez-vous assister ? à la transformation de la pénalité ».



Dans le théâtre, place d'abord à l'auteur qui harangue les spectateurs, par le truchement de la récitante, Catherine Alcover. D'abord dans le public, puis sur la scène, enfin dans une loge au dessus de l'orchestre, elle est Victor Hugo : « Depuis trente-cinq ans, je le répète, j'essaie de faire obstacle au meurtre en place publique. (…) Moi je hais le meurtre jusqu'à vous empêcher de devenir meurtrier » clame-t-elle de tout son être.

Et David Alagna, en composant  cet opéra, reconnaît avoir été largement frappé par le texte de l'écrivain : « je me suis laissé porter par la prose Hugolienne. Son écriture est très musicale et, si on se laisse porter, c'est elle qui impose son style. Cela crée une couleur musicale libre ». Dès les premières mesures, la couleur sombre de l'orchestre impressionne, sa vigueur aussi. L'utilisation de cuivres et de percussions donne une force peu commune. Elle colle à l'atmosphère lourde du noir cachot et aux cris de désespoir du condamné, auquel Roberto Alagna donne des accents poignants. Très en forme vocalement, le ténor aux multiples talents triomphe des difficultés de la partition qui ne ménage pourtant pas sa voix, avec des ambitus particulièrement larges. Ses aigus sont clairs. Ils confèrent au climat, une tension et une émotion bouleversants.

Le librettiste, Frederico Alagna a souhaité donner deux visages au condamné. Ainsi, à côté de son frère Roberto, la soprano américaine Adina Aaron vit aussi son dernier jour de condamnée. Nadine Duffaut a placé Roberto Alagna dans une geôle obscure du temps d'Hugo, côté jardin, et Adina Aaron dans une prison d'aujourd'hui, claire, aseptisée, carrelée de blanc. Le couloir de la mort, côté cour.


Un homme, hier. Une femme, aujourd'hui. L'un et l'autre sont condamnés par la société pour leurs crimes. Mais qu'est-ce à dire ? Quelque 185 années après la parution de son plaidoyer, Victor Hugo n'aurait donc pas été entendu par certains de nos contemporains ? Les deux artistes, les deux prisons, crient cette évidence.

Et la musique grave l'atmosphère pesante. David Alagna réussit à forger une tension qui va crescendo jusqu'au couperet final. Scène d'effroi où la guillotine apparaît au fond de la scène, comme tapie, mais qui est là. La lame glisse, tombe et tue, comme ultime instrument de l'impuissance publique. Moment terrible.



David Alagna n'a pas fini de nous surprendre, avant la représentation, il confiait : « je travaille actuellement à deux autres opéras, l'un qui tournera autour de la vie et de la figure du Pape, et l'autre sur la vie de Jeanne d'Arc ».

En attendant, David Alagna rappelle : « l’œuvre continue d'exister depuis sa création en 2007 à Paris. Elle a été diffusée sur 70 pays grâce à Mezzo et plusieurs fois en version de concert ». A quand des représentations du Dernier jour d'un condamné, à l'Opéra de Dallas au Texas ? Dans cet état où, dans les couloirs de la mort, les condamnés sont chaque année plus nombreux, comme une preuve des paroles prophétiques d'Hugo : « La peine de mort n'est ni exemplaire, ni juste, ni utile ». 

Photos du " Dernier jour d'un condamné " à Avignon

Les ovations du public lors de la création avignonnaise

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