Miloš, la guitare dans tous ses états...

Un récital de guitare classique, c'est un moment rare. Aussi les amoureux du genre, et déjà fans du musicien monténégrin Miloš Karadaglic, (simplement appelé Miloš) écarquillaient les yeux et écoutaient, dans un silence quasi religieux, le jeune prodige.


Ouverture avec la suite en do mineur de Bach. Admiration. Miloš, comme le public, ne quitte pas des yeux sa main gauche dont les doigts réalisent des positions acrobatiques, se déplacent avec agilité dans une précision d'horloger. La main droite semble téléguidée, elle recouvre les cinq cordes et l'on ne voit pas précisément tout le travail fabuleux des doigts qui dessinent le contrepoint de la divine musique du Cantor de Leipzig. Un prélude à deux voix, une fugue à trois voix, une sarabande chantante et une gigue assoient en quelques minutes tout l'art subtil de Miloš.






Après avoir retenu son souffle, le public applaudit sans réserve. Miloš lui adresse alors quelques mots, d'abord en français, puis bien vite en anglais pour présenter son programme. Et annoncer qu'il n'allait pas suivre celui qui avait été prévu...

« Maintenant je vais jouer les trois pièces de Manuel de Falla, la Danza del Molinero, Homenajes et la Danza española n°1 ». Changement d'atmosphère, le flamenco et le soleil sont là, mais aussi l'esprit de Debussy dans Homenajes et le parfum de Grenade dans la Danse espagnole de La vie brève dont les dernières mesures ont donné du fil à retordre à Miloš...


Souriant, volubile et intarissable sur son sujet, le guitariste continue avec son programme improvisé. Cap sur l'Amérique du sud... Voici Milonga de Jorge Cardoso, des rythmes complexes et une effluve de tango, Batucada d'Idaias Savio imprégné de sambas et Girl from Ipanema de Antonio Carlos Jobim, aux senteurs du Brésil. Un voyage assumé avec talent, chaleur avec une pulsion rythmique irrésistible.



Enfin Miloš termine son voyage avec Koyunbaba de Carlo Domeniconi, une œuvre qu'il adore et qu'il joue souvent. Son jeu, peu démonstratif, intérieur, souple et sensible, élégant et raffiné, est idéal pour ce voyage intemporel, dans un monde où même la guitare est obligée de se transformer... Accordée sur ré/la/ré/la/ré/fa au lieu du mi/ré/la/sol/si/mi traditionnel, cela change tout. La poésie surgit, calme et planante. Koyunbaba en turc signifie berger, Miloš est une île grecque. De ces deux noms surgissent des lieux magiques. On imagine des rochers blancs émergeant d'une mer bleue, des troupeaux de moutons sur fond de moutons blancs de l'écume des vagues, bercés par un léger zéphyr, portés ensemble par la musique...




Un concert HQE, à haute qualité d'écoute, mais aussi convivial grâce à la simplicité et à la facilité de contact de Miloš. Ravi, le public goûte sans réserve deux bis : la rêveuse Recuerdos de la Alhambra de Francisco Tàrrega, et la brillante étude n°12 de Heitor Villa Lobos. Un régal.

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