La première des trois représentations de Carmen, dans un Théâtre antique bondé parcouru par les rafales d'un mistral exécrable, laisse comme une impression persistante de fadeur et de tiédeur.
Un ressenti qui découle de choix musicaux et esthétiques. Choix du
metteur en scène, décorateur et costumier de Carmen, Louis Désiré,
dont l'option scénographique fort originale, truffée de
trouvailles, a été inspirée par le trio des cartes : « Il
me hante depuis toujours, j'ai donc imaginé qu'une main géante
les avait déposées sur la scène du théâtre antique »
confesse-t-il. Avec tout l'art de l'éclairagiste Patrick Méeüs,
les cartes géantes posées à terre deviennent à elle seules un
monde, isolé par la lumière, blanche, rouge, bleue ou jaune.
Impossible d'en manquer une miette, la lumière impose son choix,
dirige et concentre l'action. Jusqu'à en zapper le mur, ignoré,
comme banni. La lumière vive, pointée sur ces tranches de vies
posées sur les cartes du destin, engendre une étanchéité
surprenante, parfois même complétée par des murs de lances. Et les
acteurs, costumés simplement, sans espagnolades, mais toujours avec
une touche de jaune, telle un fil rouge, évoluent dans une
atmosphère noire et intimiste.
Choix du chef Mikko Franck, à la tête de l'excellent Orchestre
Philharmonique de Radio France, use de tempis plutôt « tranquillo »,
gomme les contrastes, refuse les poncifs, lisse l'ouvrage, mais le
prive finalement de sel et de poivre. Effet mistral ou réalité ?
La soprano Kate Aldrich semble engoncée dans sa robe, trop chic et
apprêtée pour une cigarière. Cependant, si elle dévoile avec
bonheur des graves superbes, son registre aigu à du mal à se
projeter, et dans la scène finale, la tension semble trop maîtrisée.
Le ténor Jonas Kauffmann offre un Don José remarquable, réfléchi,
posé, mais plutôt introverti. Sa voix à la douceur de miel
s'épanouit à merveille dans « la fleur que tu m'avais
jetée », néanmoins dans ses disputes avec Carmen, justes
scéniquement, et malgré des aigus fulgurants, semble moins
combative. Kyle Ketelsen campe un Escamillo, lui aussi contrasté,
plus à l'aise à l'acte 3 que dans le fameux air du toréador.
Avec une étonnante présence vocale, Inva Mula est une Micaëla
parfaite, aux supplications touchantes. De même Marie Karall
(Mercédès) et Hélène Guilmette (Frasquita) dont les superbes
couleurs vocales égaient le trio des cartes. Et on reste admiratif
devant la diction, et la projection de voix parfaite, de Jean Teitgen
(Zuniga), Olivier Grand (Le Dancaïre), Armando Noguera (Moralès) et
Florian Laconi (Le Remendado), tous excellents.
Ces impressions contrastées sont peut-être le fruit du prisme
déformant provoqué par le mistral orangeois. Rendez-vous donc les
11 et 14 juillet prochains avec tous les protagonistes de Carmen,
sous des cieux que l'on espère plus cléments !
Chorégies d'Orange. Carmen de Georges Bizet. Samedi 11 et mardi 14
juillet à 21 h 45. Théâtre Antique d'Orange.
Réservations 04 90 34 24 24
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