Plus qu'un Requiem, un hommage !





Hasard du calendrier, le Requiem de Verdi (programmé il y a longtemps par l'ancien directeur Raymond Duffaut pour ce samedi 16 juillet), tombait exactement dans le temps du deuil national décrété après l'horrible attentat de Nice, le 14 juillet dernier. 

Pour le directeur des Chorégies, Jean-Louis Grinda, également directeur de l'Opéra de Monte-Carlo, ce drame a résonné tout particulièrement à son cœur. Entouré de sa présidente, Christine d'Ingrando et du maire Jacques Bompard, il a annoncé sur la scène du Théâtre Antique que ce Requiem serait donné à la mémoire des nombreuses et innocentes victimes de Nice. 

Une réponse pacifique à la violence aveugle : « La musique face à la barbarie » concluait le directeur Jean-Louis Grinda. Le public applaudit chaleureusement, acquiesçant l'initiative.



A partir de ce moment, ce n'est plus tout à fait un concert, mais un hommage, échappant à la stricte analyse. Un moment privilégié pour méditer et écouter cette « messe des morts », écrite fébrilement par un Verdi qui avait été, lui aussi, frappé cruellement dans son cœur. 

En effet, en deux années, il perdait successivement ses deux jeunes enfants et son épouse : « Ma femme, mes deux enfants... j'ai cru que j'allais devenir fou » écrit Alain Duault dans une interview imaginaire du compositeur. 

Et voilà que disparaît aussi le poète et dramaturge Alessandro Manzoni que Verdi vénérait. Le trop plein de douleurs accumulées le pousse à écrire. Sa rage et son désespoir sont consignés « ad vitam aeternam » dans son Requiem, salué par Brahms comme une œuvre de génie.



C'est dans un impressionnant murmure que débute l’œuvre, chœur et orchestre confondus : « Requiem aeternam... ». 

Au même moment, les images remarquables du dessinateur Philippe Druillet projetées sur toute l'étendue du mur, étalent un monde étrange, coloré, peuplé de créatures torturées et grimaçantes, et dominé par l’œil de Dieu, omniprésent. Curieusement, cette profusion d'images menace l'écoute et la concentration.



Après un Kyrie qui s'éteint doucement, la célèbre Séquence débute avec le furieux Dies Irae qui secoue les cœurs les plus endurcis. 

Le chœur Donostiarra se dégage bien de l'orchestre déchaîné, vibrant aux terribles coups de boutoir des percussions. Par dessus, les trompettes du « Tuba mirum » déferlent et accentuent encore le caractère implacable de ce : « Jour de colère »

Une réussite bien restituée, sans pathos inutile, par tous.



Côté soliste, le basse Vitalij Kowaljow rend glaçant l'impressionnant Mors stupebit. Le ténor Joseph Calleja, sobre et convaincant, traduit bien la douleur de l'Ingemisco, la mezzo Ekaterina Gubanova, au timbre prenant et la soprano Erika Grimaldi (remplaçant au pied levé Krassimira Stoyanova) sont une merveille d'intensité. 

L'ensemble du quatuor vocal forme une remarquable unité avec des voix très homogènes.



Un hommage hors du temps et du réel, où la puissance imaginative de Verdi et de Druillet ont porté des milliers de personnes au recueillement, au milieu duquel les furtifs gémissements d'un enfant et l'évacuation sur un brancard d'une personne fatiguée, ont rappelé à tous la dure réalité du drame du 14 juillet.










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