Chorégies d'Orange Ciné-Concert : Le Fantôme de l'opéra magnifié par le piano de Jean-François Zygel



Malgré un mistralet frisquet les gradins du théâtre antique étaient bien garnis pour assister au premier ciné-concert des Chorégies. A l'affiche : Le Fantôme de l'Opéra film noir et blanc muet de 1925 de Rupert Julian, (d'après le roman de Gaston Leroux) colorisé partiellement et manuellement image par image. Et pour réaliser en direct la bande son du film, le pianiste-improvisateur star Jean-François Zygel, seul en scène avec son piano. Pendant quelques minutes, comme pour l'ouverture d'un opéra, le pianiste plante le décor dans une atmosphère sombre et mystérieuse. Puis les premières images apparaissent, étonnantes de vie et d'expression. Projeté à même la pierre blonde du théâtre, le film prend une dimension sensible, plus fragile, et fait danser parfois, frémir souvent, les pierres antiques comme le cœur des spectateurs. Jean-François Zygel est époustouflant d'imagination et sait amener avec une grand maîtrise les différentes actions. Mûrement réfléchis, déjà expérimentés dans le même spectacle à Monte Carlo, New York, Washington et Avignon, les thèmes, harmonies et rythmes viennent à point nommé pour faire dialogue avec l’œuvre. Ainsi c'est une valse qui accompagne les ballets, ce sont des réminiscences et citations du Faust de Gounod quand la cantatrice apparaît, on reconnaît l'air des bijoux, le final « Ange pur ange radieux », ou bien encore « Il était un roi de Thulé ». Tout cela amené à point nommé, parfaitement raccord avec ce qui précède et ce qui suit. Zygel y déploie tout son art d'improvisateur, où transparaissent en filigrane, la fougue, la vigueur, la violence d'un Prokofiev, la passion et le romantisme d'un Chopin, toute la sensibilité et la délicatesse d'un Poulenc. Tout en restant lui même, avec ses propres harmonies, ses inventions mélodiques et rythmiques, Jean-François Zygel devient co-auteur du film, faisant contrepoint à son histoire, expliquant, commentant, quelquefois avec humour comme les quelques mesures de La Marseillaise à l'apparition de la police, paraphrasant, faisant corps avec l'histoire. Allant même jusqu'à transformer son piano en orgue ou en harpe en pinçant ou caressant les cordes. Une vraie performance où pendant plus d'une heure trente, sans discontinuer, Jean-François Zygel a emmené les chorégiens dans son très puissant et imaginatif sillage musical.


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