L’effet Béjart signe un
retour gagnant de la danse aux Chorégies, dans un théâtre
bondé ! Preuve que la danse et le théâtre, la danse et l’opéra
sont largement appréciés par un public de connaisseurs comme
d’amateurs passionnés. La danse a donc bien toute sa place sur la
majestueuse et magique scène du Théâtre Antique. Bien compris par
le directeur Jean-Louis Grinda qui programmait son retour pour sa
première et innovante programmation. Alors, quand les Chorégies ont
annoncé la venue du prestigieux Béjart Ballet Lausanne, dirigé par
Gil Roman, successeur désigné par le mythique
créateur-danseur-chorégraphe dans La Flûte enchantée de Mozart...
Ce soir, ils sont des milliers
à avoir les yeux rivés sur le dispositif scénique ingénieux. En
effet le plateau principal est surplombé par un plateau-balcon par
lequel on accède par deux escaliers. Effet de spacialité garanti. Entre les deux apparaissent, sortant du monde des ombres les danseurs
propulsés soudain dans la lumière, autour de Tamino prosterné sur
le pentagramme. Conte initiatique où se mêlent ombre et lumière,
connaissance ou ignorance, bien et mal, drame et rires... Opéra
truffé de symboles maçonniques, rappelé par le nombre trois :
trois accords de l’ouverture, trois Dames, trois portes du Temple,
trois épreuves... Composé par le divin Mozart au printemps 1791,
créé fin septembre 1791, La Flûte enchantée est son dernier
opéra. Mozart s’éteint deux mois plus tard, à 35 ans. Ni flûte
enchantée, ni clochettes magiques pour lui.
En revanche, en voyant évoluer
avec tant de beauté le Béjart Ballet, le miracle se produit. La
musique de son opéra se révèle ballet, totalement danse, dense et
aérienne à la fois. Et Béjart a réussi le tour de force à la
traduire de la plus belle et signifiante des façons. Tantôt
majestueuse, tantôt dramatique, tantôt jubilatoire, elle soulève
littéralement le jeune oiseleur Papageno, mobile et aussi léger que
ses oiseaux, fige le grand prêtre Sarastro, tord le Maure
Monostatos, fait tonner la Reine de la Nuit, donne du courage à
Tamino, fait rayonner Pamina après le doute, donne malice et fermeté
aux trois dames, sagesse et force au chœur. Elle guide les pas, les
solistes, les chœurs. Dans la traduction de Béjart, quelle
inventivité, quelle subtilité et quelle joie !
Les dialogues de ce singspiel,
déclamés avec réalisme et force par les danseurs, précipitent
l’action et font entrer le théâtre dans le théâtre avec
bonheur. Les accessoires et costumes de Henri Davila, ajoutent
couleur sens : la cage de l’oiseleur, l’œil d’Horus,
l’équerre et le compas, le cadenas (aux pieds) et les lumières de
Dominique Roman enveloppent le conte dans une totale féerie.
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