Chorégies ; Le pianiste Giovanni Bellucci, la danseuse Eugénie Andrin : Casta diva.

 


Atmosphère, atmosphère… c’est dans une lumière crépusculaire, intime et rêveuse, que le pianiste Giovanni Bellucci entre en scène. Invité au Palais des Princes par les Chorégies, il vient ressusciter les airs d’opéra transcrits par Liszt-le-virtuose dans un programme ébouriffant, intitulé Casta diva. On ne tarde pas à comprendre. Dès l’introduction du Miserere du Trouvère de Verdi, les graves de l’instrument résonnent comme le tonnerre, mettant en scène l’entrée d’une marche funèbre glaçante, bientôt rejointe par de furieuses gammes chromatiques ascendantes et descendantes dans un crescendo impressionnant. Belluci-Jupiter règne bien sur les 88 touches de son piano, transcendant encore l'écriture folle de Liszt, trouvant à décortiquer jusqu’à l’extrême la magnificence de la vision lisztienne. Et cela ne fait que commencer. Après la fraîche mélodie Greensleeves citée passionnément par le compositeur-pianiste Busoni, Liszt revient avec des extraits du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn. La fameuse Marche nuptiale est reprise à l'envi et se développe, respectant les différentes sections, avec une fantaisie débridée. Liszt et Wagner ensuite, dans l’émouvante mort d’Isolde, traduite par un Bellucci symphoniste, avec un pathos sensible. Le festival de virtuosité lisztien se termine avec les Réminiscences de Norma de Bellini, avec toujours une dramaturgie exacerbée, une mise en espace inspirée : thème entrecoupé de battements passionnés, la main gauche, survolée par des arpèges dans les aigus et graves, aboutissant à des octaves répétées dans une furieuse passion. Belluci plus jupitérien que jamais, est à la manœuvre. Un plaisir total.




La seconde partie, consacrée au ballet “Jeux “ de Debussy dans la réduction pour piano de l’auteur a permis à Giovanni Bellucci, la danseuse Eugénie Andrin et à Gabriel Grinda au mapping vidéo, de donner libre cours à leur créativité. Un trio parfaitement synchrone et totalement bluffant. Devant l’écran noir, la tenniswoman-danseuse joue avec les mains du pianiste qui apparaissent soudain, immaculées, seules, détachées de leur corps, autonomes, comme des oiseaux, virevoltant sur le grand écran, caressant, ou menaçant telle la foudre. Gabriel Grinda réalise avec Eugénie Andrin une chorégraphie où la technique crée la surprise, biaise les perspectives, joue à l’infini, permet à l’immatériel de rejoindre le tangible, pour un enchantement fantastique dans une totale liberté. 




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