Chorégies : Nuit Verdienne de rêve...

Le basse Ildar Abdrazakov et le ténor Roberto Alagna.

 

La Nuit italienne avec la Scala de Milan a cédé la place, pour cause de force Covid, à la Nuit verdienne ce beau soir d’été sans vent, dans un Théâtre antique rempli, samedi aux Chorégies. En fait, tout change et rien ne change,  Verdi, à lui seul, est toute l’âme italienne...

A l’affiche, trois stars de l’art vocal, le ténor Roberto Alagna, le baryton Ludovic Tézier et le basse Ildar Abdrazakov. Adossé à la grande scène, le complice éminent du chant, arborant cent quatre têtes, l’Orchestre National de Lyon dirigé par Konstantin Chudovsky. Ce dernier foule pour la première fois le sol orangeois comme le basse Abdrazakov. C’est l’Orchestre National de Lyon sous sa direction qui donne le ton de la soirée avec l’ouverture de la Forza del destino. Le style du chef fait mouche. Il est là, et bien là. Sans fioriture aucune, avec le souci de chacun, et de la vue d’ensemble, Chudovski dirige sans baguette, sans partition, avec autorité et précision, voit tout et entend tout. L'orchestre, tel un bolide de compétition, répond au quart de tour, avec un sens de l’homogénéité exceptionnel, ou chacun prend sa part, sait se mettre en valeur à son tour, et se fondre dans le flot ininterrompu de la musique.

Roberto Alagna apparaît, chante à découvert l’air d’Alvaro, ou la clarinette solo monte dans la nuit tombante, Le ténor émerveille par sa voix pure et claire, sa force de conviction. Ludovic Tézier se joint à lui pour chanter Solenne in quest’ora. Sous un duo de flûtes en arpèges, leurs voix de bronze et d’or se marient avec bonheur. Encore peu connu aux Chorégies, le basse Abdrazakov à la stature remarquable, impressionne dans l’air d’Oberto. Sa voix bien projetée, agile, sans noirceur excessive, séduit d’emblée. L’orchestre dans le prélude orchestral de l’acte III de I Lombardi permet à la première violon de déployer dans une partie soliste brillante, une virtuosité sans faille dans une écriture digne des plus grands concertos. Tézier est maintenant seul. Il donne toute sa puissance, voix ronde et chaude dans les accents éclatants, s'adoucissant en complainte dans l’air de Rigoletto, Cortigiani, vil razza dannata. Le basse se joint à lui pour le duo Attila-Ezio, Duo de géants du chant, avec la bravoure, la puissance, le drame. Le public est en joie…

 

La seconde partie débute avec les Vêpres Siciliennes où l'orchestre est confondant de virtuosité, de justesse dans les tempis et les variations d'atmosphère. Après une dominante rouge, le grand mur devient bleu devant les véhémences, jouant avec le bas du registre, de Tézier et Abdrazakov avec une grande densité dramatique dans le duo et l’air de Filippo II. Dans ce dernier, Abdrazakov, démontre ce qu’est une basse solaire, claire, fascinante, sans être caverneuse. Le public en raffole… Les bravos  fusent. 

 

Le baryton Ludovic Tézier 

Le récital se termine. Alagna revient avec sensibilité dans l’air de Rodolfo de Luisa Miller, Tezier dans un air d’Ernani, rayonnant, vibrato large et tous les trois se succèdent dans un extrait de Don Carlo, puis s’achève dans le sublissime duo Carlo-Rodrigo exaltant la Liberta. Le public du Théâtre antique en veut encore. Mais cette fois, plus de drame, Ludovic Tézier

interprète merveilleusement La Quête, chantée par Brel, extraite de la comédie musicale L’homme de la Mancha, Ildar Abdrazakov se tourne vers le folklore des pays de l’Est dont le rythme irrésistible détend l'atmosphère. Enfin Roberto Alagna entonne pour le public ravi la chanson napolitaine, Funiculi Funicula, composée par Luigi Denza. Le trio vocal masculin est rejoint sur la scène par le chef Konstantin Chudovski, l'orchestre et les solistes sont longuement applaudis, Roberto Alagna va chercher sa dernière fille qui le rejoint sur scène, tous reprennent encore en chœur avec le public Funiculi, Funicula… Joies partagées. Cette nuit verdienne est décidément bien belle...


Photos : Philippe Gromelle

 

Commentaires